bledi, mon pays est ici/Bledi, this is our home
Irene Johnson
Film Review

Retired lecturer, radical citizen and researcher in literary studies, Irène Johnson has had her heart on the left for a long time.

 

Les services de l’Immigration sont mis en accusation dans le documentaire Bledi mon pays est ici (2006) de Malcom Guy et Eylem Kaftan. La guerre civile qui a sévi en Algérie depuis le début des années 1990 a imposé un exil forcé à de nombreux habitants de ce pays. Plusieurs d’entre eux ont cherché refuge au Canada où ils se sont principalement retrouvés au Québec et plus particulièrement à Montréal. Bledi nous apprend que plus d’un millier de ces réfugiés se sont cependant vu refuser le statut de résident permanent par « manque de crédibilité »,  mais aussi que, compte tenu de la violence qui ébranlait leur pays d’origine, on s’est engagé à ne pas les déporter. Après les événements de septembre 2001 et la visite en 2002 de Jean Chrétien en Algérie, où il a signé des ententes commerciales avec ce pays, le premier ministre canadien a affirmé que la violence y avait diminué. Les déportations ont ensuite commencé et les Algériens sans statut de Montréal ont entrepris de lutter collectivement pour que soit régularisée la situation des sans-statuts. Des Algériens qui, eux, avaient obtenu un permis de résidence permanent et des Québécois sympathiques à cette cause appuient cette démarche combattante. Ce film documentaire se fixe pour objectif de raconter l’histoire de cette lutte et celle de leur porte-parole, Mohamed Cherfi.

Bledi mon pays est ici induit chez le spectateur des émotions qui forcent son adhésion aux demandes de ces Algériens installés au pays depuis plusieurs années et toujours en attente d’un statut permanent. Malgré leur situation incertaine, malgré la difficulté d’élaborer des projets, ils ont dû continuer à vivre, ils ont travaillé, ils ont eu des enfants et ils se sont nécessairement intégrés à cette ville où ils ont développé des attaches. Mohamed, Jamel, Nora sont ici depuis 6, 7, 10 ans. Nora a cinq enfants qui sont canadiens, qui ne connaissent pas l’Algérie. Elle s’inquiète pour leur avenir. Jamel était dans la vingtaine quand il est arrivé ici, il est dans la trentaine quand il exprime devant la caméra la difficulté d’élaborer des projets de vie quand on est face à un avenir aussi incertain.

Mohamed, qui a coupé avec son pays d’origine et qui se sent québécois, appréhende sa déportation. Une des premières séquences du film nous apprend, par le biais d’une conversation téléphonique, qu’il est le prochain sur la liste. Alors qu’il veut savoir où en est son dossier, son interlocuteur semble sourd à sa demande, il lui répond qu’on veut régler en bloc les différents cas. Mohamed a peur qu’il soit trop tard pour lui. Cette mise en scène d’une vérité affective a pour décor une bien modeste petite pièce où il se retrouve avec un camarade. Allongé sur un lit à une place, il exprime son angoisse en fumant nerveusement, il veut que cesse cette incertitude qui dure depuis six ans. Mohamed dira ensuite sa peur de se retrouver dans une prison algérienne, il craint d’être forcé de retourner dans un pays où il n’a pas voulu faire son service militaire parce qu’il considère qu’il aurait ainsi cautionné la violence du pouvoir en place, un pouvoir qui ne respecte pas les droits de l’homme.

Title?

Ce film de 53 minutes trace par petites touches successives un portrait attachant de Mohammed, le leader de la lutte des sans-statuts. Son courage, son calme, sa générosité et son humanité sont mis en évidence à travers ses interventions à différents moments de l’action menée par le CASS (Comité d’appui aux sans-statuts). Ces qualités ne se démentent pas après son extradition aux États-Unis où il a été privé de sa liberté pendant 15 mois. Le film se termine à l’été 2005 alors que les États-Unis l’acceptent comme réfugié dans ce pays dont pourtant la paranoïa antiterroriste semble indéniable. Nous savons maintenant que, après cette décision des autorités étasuniennes, le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec a aussi accepté, finalement, d’accorder à Mohamed Cherfi un statut permanent de résidence. Au moment où cet article est rédigé, c’est-à-dire deux ans plus tard, le ministère de l’Immigration et de la Citoyenneté du Canada ne se s’est pas encore prononcé sur le statut du leader du CASS qui est toujours séparé de sa conjointe et de ses amis qui sont au Québec.

Bledi nous convainc de l’inertie et de la méprisante raideur bureaucratique des services de l’Immigration. La mobilisation des militants est généreuse: organisation de manifestions, rencontre avec des fonctionnaires pour leur remettre le dossier d’un Algérien dont la déportation est imminente, envoi d’une lettre au ministre de l’Immigration du Canada, tentative de rencontrer le ministre Denis Coderre, tentative de demander à un fonctionnaire de remettre le dossier de Nora au ministre lors d’un colloque sur l’immigration.  Cette mobilisation est mise en opposition au silence, aux manœuvres d’évitement (rappel du décorum, de la procédure, de la politesse, invocation du manque de temps) et à la violence physique dont l’utilisation de « tasers ».  Les services de l’Immigration et leurs fonctionnaires font preuve, dans Bledi, d’un sérieux déficit d’empathie et de capacité d’écoute. Le portrait qui en est fait est convaincant.

Le montage de Bledi  est remarquable. Il s’emploie à faire ressortir l’écart insoutenable
entre les aspirations des Algériens, leurs rêves, leurs affections, les petits bonheurs de leur vie quotidienne et la bureaucratie désincarnée des services de l’Immigration. L’organisation du matériel filmique fait aussi souvent appel à de nombreux plans, presque fixes, des paysages urbains, des coins de Montréal, des scènes de la nature comme un coucher de soleil, de la pluie qui tombe, des petites filles qui s’amusent dans une flaque d’eau sous la pluie, un cours d’eau, etc.). Ces plans jouent souvent un rôle de transition entre des séquences différentes, ou servent à marquer le temps qui passe, les changements de saisons, ou encore le passage d’une ville à une autre. Ces plans sont souvent aussi des espaces qui permettent au spectateur de respirer, de réfléchir, certains ne sont pas accompagnés d’une bande sonore ou ne le sont qu’en partie.

Bledi donne donc au spectateur le temps de s’identifier de façon empathique à la cause des sans-statuts. Il s’agit d’un film de propagande qui convainc, qui donne le goût de s’engager à ceux qui sont déjà quelque peu sensibles à la cause de la solidarité internationale. Bledi n’analyse cependant pas la lutte menée par les comités de défense des Algériens (ceux de Montréal et de Québec), il n’en souligne pas les failles et ne développe aucun point de vue critique. Il ne s’agit pas non plus d’une histoire précise de ce courageux combat, il n’en situe même pas très clairement les différents événements dans le temps.

Bledi ne peut peut-être pas convaincre à coup de statistiques ou à travers une recherche fouillée, il ne permet peut-être pas non plus de tirer des leçons de cette lutte, mais il peut donner le goût d’aller vérifier la mission des ministères de l’Immigration du Québec et du Canada sur leur site électronique respectif. Bledi suscite une réflexion sur le sort des sans-statuts, mais aussi sur celui des sans-papiers dont on ignore le nombre et le degré de surexploitation. Bledi nous fait par ailleurs craindre les dangers des lourdeurs de la bureaucratie : comment peut-on, quand on a un poste de responsabilité, ne pas être capable de se tenir debout pour répondre aux exigences commandées par une situation concrète, comment éviter de s’en mêler en prétextant la politesse, la procédure?  Bledi ne convainc peut-être pas de façon strictement rationnelle et logique, mais il ouvre des pistes de réflexion qui ne peuvent qu’être fécondes. Ce n’est pas un film qu’on oublie autour d’une bière. C’est un outil de discussion qui donne le goût de s’engager. Ce qui n’exclut pas la bière.

***************

A street in Algeria

The Canadian Immigration Services stand accused in the documentary Bledi, this is our home (2006) by Malcolm Guy and Eylem Kaftan.  The civil war that erupted in Algeria at the beginning of the 1990s forced numerous Algerians into exile.  Many among them sought refuge in Canada where they principally ended up in Quebec and more particularly in Montreal.  In Bledi we learn that a thousand or so of these refugees were refused permanent status owing to a “lack of credibility” but that, on account of the violence rocking their country of origin, neither were they deported.  After the events of September 11, 2001 and the visit of Jean Chrétien to Algeria, where commercial agreements between the two countries were signed, the Prime Minister declared that the violence there had diminished.  Deportations from Canada followed and non-status Algerians undertook to fight to regularize their situation.  Those Algerians who themselves had obtained permanent residency and those Quebecois sympathetic to their cause have supported the struggle. This documentary endeavors to tell the story of this struggle and that of its spokesperson, Mohamed Cherfi.

Bledi engages support for the applications of these Algerians living here for many years and still awaiting permanent status. Despite the uncertainty of their situation, and the difficulty of planning their lives, they have had to continue to live, to work, to have children, and they have integrated into Montreal and developed close ties in the city. Mohamed, Jamel and Nora have been here for 6, 7, and 10 years respectively.  Nora has 5 children who are Canadians, who do not know Algeria.  She worries for their future. Jamel was in his 20s when he arrived here; he is in his 30s when he conveys before the camera the difficulty of planning his life when faced with such an uncertain future.

In one of the first scenes, Mohamed, who has broken ties with his country of origin, who identifies as Quebecois, learns he is to be deported. We overhear this by  means of a telephone conversation that suggests he is next on the list.  When he asks the whereabouts of his file his request seems to fall on deaf ears and he is told that cases are being dealt with in bulk.  Mohamed fears that it’s too late for him. The drama of this scene conveys a certain emotional truth, all the more so for the simplicity of the small room where we find Mohamed, in the company of a friend.  Lying on the bed, his distress is palpable, as he nervously smokes and expresses a longing for an end to the uncertainty he’s endured for six years.  He describes his fear of ending up in an Algerian prison, of being forced to do military service for a government that violates human rights.  

Mohamed Cherfi in a US prison.

This film of 53 minutes traces, with a succession of small touches, an affectionate portrait of Mohamed, the leader of the struggle.  His courage, his calm, his generosity and humanity are in evidence in the course of a series of interventions at different actions carried out by the Action Committee of Non-Status Algerians (CASS).  These same qualities are there following his extradition to the United States where he’s incarcerated for 15 months. The film ends in the summer of 2005 when the US accepts him as a refugee in a country where anti-terrorist paranoia is all but undeniable.  We know now that following this decision by the US authorities the minister of Immigration and Cultural Communities of Quebec also gives Mohamed Cherfi permanent residential status.  At the time of writing, two years down the road, the minister of Immigration and Citizenship of Canada has yet to decide Mohamed’s status so that he still remains separated from his wife and friends.

Bledi convinces us of the contemptuous, bureaucratic rigidity within the immigration services.  The generous mobilization by militants includes the organization of demonstrations, meeting with officials to put the case of an Algerian threatened with imminent deportation, letter writing to the minister of Canadian Immigration, an attempt to meet the minister Denis Coderre, and an attempt to put Nora’s case to the minister during a conference on immigration.  All such efforts are met with silence, avoidance tactics (a call for decorum, procedure, politeness, claims of no time) and physical violence, including the use of “tasers”.  In Bledi the Immigration services and officials demonstrate a serious deficit of empathy and willingness to listen. This portrait of them is convincing.

The visuals in Bledi are noteworthy and serve to highlight the untenable distance between the aspirations of the Algerians, their dreams, their affections, their small successes, their day to day life, and the faceless bureaucracy of Immigration.  There are numerous and frequent shots of urban landscape, corners of Montreal, scenes of nature such as a setting suns, falling rain, little girls playing in puddles of water etc. Such shots often serve as transitions between sequences or serve to mark the passage of time, the changing of the seasons or the movement from one city to another.  These shots, some of them minus a sound track or using limited sound, are also spaces allowing the viewer to breathe and reflect.

Bledi gives the viewer time to empathize with its cause. It is a message film that sets out to convince, that reels in those already somewhat sensitive to the cause of international solidarity. What Bledi does not do is analyze the struggle lead by the Algerian defense committees in Montreal and Quebec City.  It does not underline flaws or develop a critical point of view, nor does it provide an account that succinctly situates turning points in history.  Bledi might not persuade through statistics or rigorous research, nor allow us to draw lessons from the struggle. What it may do is urge viewers to investigate the missions of Immigration Quebec and Immigration Canada on their respective websites.  For Bledi incites reflection upon what it means to have no status, and by implication, what it is to have no papers; there are many in Canada who live here “illegally” whose numbers and exploitation are largely overlooked. Bledi  instills fear of the dangerous weight of bureaucracy: how can those who have the power to do otherwise fail to reply to the demands of a real situation, refusing a fair hearing on the pretext of politeness and procedure.  Bledi might not sway through strictly rational and logical means, but it offers fertile ground for reflection.  This is not a film to be forgotten over a beer.  It’s a tool for discussion and a call to action.  Which need not exclude beer. 

 

 
END
Subscribe Today! ~ ~ Submissions ~ Back to the Archives ~ HOME